Sommeil : quelle est l’influence des sons ?

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Quelle est l’influence des sons sur le sommeil ? Cet article se penche sur les découvertes concernant l’influence des sons sur le sommeil, en particulier sur l’insomnie primaire et les perturbations du sommeil dues aux bruits environnementaux.

Bruits et nuisances sonores affectent la santé

L’exposition chronique au bruit urbain est nocive pour l’ouïe, mais aussi pour les systèmes cardiovasculaire, gastro-intestinal et le système nerveux, ceci également parce qu’il provoque une gêne psychologique. Environ 25% des habitants de l’Union Européenne sont confrontés à une détérioration de leur qualité de vie en raison des nuisances sonores et environ 5 à 15 % souffrent de troubles du sommeil. Ce qui correspond à de nombreuses années de vie de qualité (DALY) perdues chaque année. Car bien dormir est essentiel à la bonne santé physique et mentale.

Les nuisances sonores sont définies comme « des bruits générés dans le cadre de vie ou dans l’environnement extérieur pouvant provoquer une gêne ou une perturbation du repos et des activités humaines, un danger pour la santé, une détérioration des écosystèmes… » [1 ]. Les bruits de la circulation routière, ferroviaire et aérienne sont les principales sources de pollution sonore nocturne étudiées dans des enquêtes de santé publique. A quoi s’ajoutent, sans nul doute, les déboires de toutes celles et ceux qui vivent dans des appartements où la moindre chasse d’eau informe tous les voisins.

Or, de nombreuses études montrent que l’exposition à des bruits nocturnes, y compris ceux des activités récréatives [2], peut fragmenter le sommeil et diminuer sa qualité. Les nuisances sonores augmentent le risque de troubles du sommeil. Des chercheurs français ont démontré (Tassi et Al. 1993) que le bruit avait un effet d’alerte sur les performances cognitives en particulier en début de nuit, et plus encore s’il y a une dette de sommeil !

Le bruit, l’insomnie et la modulation acoustique

L’insomnie primaire est un trouble du sommeil caractérisé par des difficultés à initier ou à maintenir le sommeil, ou par un sommeil non réparateur, sans cause médicale ou psychologique identifiable. De quoi nous faire enrager. Car, c’est un fait : plus on veut dormir et moins on y parvient.

Les interférences sonores, comme les bruits soudains ou les interruptions fréquentes, peuvent avoir un impact négatif sur la continuité du sommeil. L’utilisation de bouchons d’oreilles, de générateurs de bruit blanc ou de dispositifs de masquage sonore pourrait aider à atténuer ces interférences. Une étude récente a montré que les participants utilisant des bouchons d’oreilles avaient une meilleure continuité de sommeil et un temps de réveil nocturne réduit (Cordi, 2021).

Des sons spécialement conçus, comme des musiques instrumentales lentes ou des bruits blancs, pourraient atténuer ces effets perturbateurs et améliorer la qualité subjective du sommeil (Cordi, 2021). Ces études soulignent l’importance de la nature constante des sons pour maximiser les effets bénéfiques. Mais ces résultats doivent être nuancés.

Des chercheurs emmenés par Mathias Basner, professeur de psychiatrie à la faculté de médecine de l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie, ont systématiquement examiné la littérature scientifique et analysé 38 études. Bien qu’il existe certaines preuves selon lesquelles un bruit continu réduit le temps nécessaire pour s’endormir, la qualité des preuves était extrêmement médiocre et au moins une étude suggérait que le bruit pouvait perturber davantage le sommeil.

« Si ces applications ou appareils ne pouvaient faire que de bonnes choses, je m’en ficherais. Mais comme il peut y avoir des conséquences négatives, je serais prudent », a déclaré Basner, dont les recherches ont été publiées dans la revue Sleep Medicine Reviews. « Chaque fois que nous sommes exposés à des sons et à des bruits, l’oreille interne les traduit en signaux nerveux qui sont ensuite interprétés par le cerveau », a-t-il déclaré. « Il s’agit d’un processus actif qui génère des métabolites dont certains se sont révélés nocifs pour l’oreille interne. Il serait certainement souhaitable de bénéficier d’une période pendant laquelle le système auditif peut se détendre, se régénérer et se préparer à la prochaine période d’éveil.»

Colin Espie, professeur de médecine du sommeil à l’Université d’Oxford, déplore lui aussi la qualité de ces recherches. «Le bruit blanc ressemble à n’importe quelle autre stimulation monotone, idée qui a été essayée à plusieurs reprises et de diverses manières au fil des décennies, et dont les preuves [d’efficacité] sont faibles. [En fait] cette idée est conceptuellement très limitée », souligne-t-il. Car « en cas de mauvais sommeil, le principal défi [c’est de calmer] l’esprit occupé ou emballé. Les gens ne parviennent pas éteindre le mental ».

Insomnies et bruits du mental

La recherche sur l’influence des sons sur le sommeil montre clairement que des interventions acoustiques peuvent avoir des effets significatifs sur la qualité du sommeil. Cependant, la diversité des réponses individuelles souligne la nécessité d’approches pluridisciplinaires impliquant des professionnels de la santé, des chercheurs en psychologie, en neurobiologie, et en acoustique. Une telle collaboration est essentielle pour développer des interventions personnalisées et optimiser les stratégies de modulation acoustique pour améliorer le sommeil.

La modulation acoustique avant le sommeil, telle que l’écoute de musiques relaxantes ou de récits apaisants, peut favoriser un état de relaxation et améliorer la qualité du sommeil. Les interventions utilisant des histoires hypnotiques ou des musiques spécifiques ont montré une augmentation significative du sommeil à ondes lentes (SWS) chez les adultes jeunes et âgés (Cordi, 2021). Ces techniques semblent agir en réduisant l’excitation cognitive et en facilitant une transition plus douce vers le sommeil. C’est important car les pensées anxieuses et la rumination sont souvent liées à l’insomnie primaire. Mais est-il besoin d’acheter de la technologie pour cela ?

  • Réguler ses humeurs cela peut se faire en amont de la nuit, par des stratégies plus directement efficientes sur l’anxiété, en traitant la cause de nos tracas. Résoudre ses problèmes de boulot ou de couple peut être une bonne manière de retrouver le sommeil.
  • Même les TOC associés au sommeil peuvent être traité par les Thérapies brèves.
  • On peut éviter les musiques trop stimulantes pour s’épargner les effets earvorm (Sacks 2007) littéralement « ver d’oreille », quand une chanson ou une musique s’installe dans la tête, particulièrement répétitive, indépendamment de notre volonté).
  • Pour éviter de ruminer, on peut pendre le temps de gérer sa colère.
  • On peut aussi prendre le temps de souffler. Inspirer… et souffler (quelle berceuse!)
  • Méditer et éviter de s’endormir en grinçant des dents…

Depuis plusieurs décades, les interventions basées sur la pleine conscience (MBI) ont récemment reçu une attention accrue en tant qu’option de traitement non pharmacologique pour les patients souffrant de douleurs chroniques, mais aussi d’insomnie. Des résultats prometteurs confirmés par une meta-analyse (Kanen et Al. 2015). La promesse de la méditation n’est-elle pas précisément de se dégager du brouhaha du mental ?

Références pour aller plus loin

  1. Cordi, M. J. (2021). Updated Review of the Acoustic Modulation of Sleep: Current Perspectives and Emerging Concepts. Nature and Science of Sleep, 13, 1319–1330.
  2. Ebrahimi, S., et al. (2019). The efficacy of music for improving sleep quality in adults: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Sleep Medicine Reviews, 46, 31-40.
  3. Kanen, Jonathan & Nazir, Racha & Sedky, Karim & Pradhan, Basant. (2015). The Effects of Mindfulness-Based Interventions on Sleep Disturbance: A Meta-Analysis. Adolescent psychiatry. 5. 105-115. 10.2174/2210676605666150311222928.
  4. Sacks, Oliver (2007). Musicophilia: Tales of Music and the Brain. First Vintage Books. pp. 41–48. ISBN978-1-4000-3353-9.
  5. Spilsbury, J. C., et al. (2015). The impact of sleep duration on general health in adolescents. Sleep, 38(5), 743-752.
  6. Stuck, B. A., et al. (2015). The effect of different types of background noise on sleep in healthy adults. Sleep, 38(9), 1503-1510.
  7. Tassi, P., Nicolas, A., Seegmuller, C., Dewasmes, G., Libert, J. P., & Muzet, A. (1993). Interaction of the alerting effect of noise with partial sleep deprivation and circadian rhythmicity of vigilance. Perceptual and motor skills, 77(3 Pt 2), 1239–1248. https://doi.org/10.2466/pms.1993.77.3f.1239
  8. Zisapel, N. (2018). New perspectives on the role of melatonin in human sleep, circadian rhythms and their regulation. British Journal of Pharmacology, 175(16), 3190-3199.
  9. Wehrens, S. M., et al. (2017). Meal timing regulates the human circadian system. Current Biology, 27(12), 1768-1775.

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