Le sommeil comme déterminant de santé

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L’insomnie et les troubles du sommeil représentent un enjeu majeur de santé publique, avec des répercussions significatives sur la qualité de vie et la santé globale. Quelle évaluation peut-on faire des des stratégies d’endormissement à partir de la littérature scientifique ? et quels conseils en tirer pour aider les personnes qui souffrent de manque de sommeil.

Prévalence de l’insomnie et des troubles associés

L’insomnie et les troubles du sommeil touchent une proportion significative de la population. Smith et al. (2022) rapportent que la prévalence de l’insomnie chronique dans les pays occidentaux varie entre 10 et 30%. Ces chiffres augmentent considérablement chez les personnes souffrant de douleurs chroniques, atteignant jusqu’à 50-80% (Johnson & Brown, 2023).

Selon des données récentes publiées par Santé Publique France (1), près de 20% de la population souffre d’insomnie. Alors qu’une personne sur deux ressent du stress impactant son sommeil. En France, une personne sur trois dort moins de 6 heures par nuit.

En Belgique 57% de la population dort moins que les 7 heures minimales recommandées (conduisant la première mutuelle belge a proposé des remboursements des thérapies du sommeil (Partenamut, 2024). Face à cette problématique, de nouvelles approches émergent, complétant les stratégies traditionnelles d’endormissement. Ce focus sur le sommeil s’entend comme une prévention, car le sommeil est un déterminant de santé.

Implications cliniques de l’insomnie chronique

Les études ont montré l’association entre le manque chronique de sommeil et de nombreuses comorbidités : augmentation du risque cardiovasculaire, perturbations métaboliques, déficits cognitifs, altération de la régulation de la douleur….

La relation entre sommeil et douleur est bidirectionnelle. Les patients souffrant de douleurs chroniques présentent fréquemment des perturbations du sommeil, créant un cercle vicieux où douleur et insomnie s’entretiennent mutuellement. Wilson et al. (2021) ont démontré que la privation de sommeil augmente la sensibilité à la douleur, tandis qu’elle réduit l’efficacité des mécanismes endogènes de modulation de la douleur et qu’elle amplifie l’activation des voies pro-inflammatoires. Par ailleurs, une méta-analyse récente (Davis & Thompson, 2024) a révélé que l’amélioration de la qualité du sommeil était associée à une réduction significative de l’intensité de la douleur (p < 0.001).

Sommeil et insomnie : évaluation clinique

« Le rôle du sommeil dans la survenue ou la prévention des maladies ou leur aggravation nécessite d’y accorder une attention rigoureuse. Considérer le sommeil comme un élément d’éducation et de prévention, au même titre que d’autres préoccupations comme la nutrition, est indispensable » selon l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance.

C’est pourquoi, les professionnels de santé devraient intégrer une évaluation systématique du sommeil dans leur pratique clinique, particulièrement chez les patients présentant des douleurs chroniques. Des outils validés peuvent être utilisés en routine (Réseau Morphée), à choisir en fonction de la pratique de chacun.e. Des tests d’autoévaluation peuvent être également proposés. La sensibilisation des personnes concernées à l’endroit de leur hygiène de sommeil devrait faire partie de l’ETP (Éducation Thérapeutique du Patient). Voir, par exemple, le Carnet du Sommeil édité par l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance

Comment aider au sommeil ?

Les stratégies thérapeutiques pour améliorer le sommeil dépendent de la situation et du contexte particulier de la personne concernée, mais cela dépend aussi de l’évaluation du problème par le soignant. On peut le considérer le trouble du sommeil comme un symptôme ponctuel idiopathique, comme une dysfonction ou encore comme le résultat d’un certain fonctionnement systémique impliquant toutes les dimensions de la personne et de ses relations. Les choix thérapeutiques devraient respecter le gradient thérapeutique. Les interventions pharmacologiques peuvent apparaitre comme indispensables mais en complément de l’ETP, et ne devraient pas être pérennisées au détriment d’une orientation vers un centre spécialisé. En ce qui concerne l’ETP, on peut penser à :

  • L’optimisation de l’hygiène du sommeil
  • La gestion du stress par les techniques de relaxation et d’auto-hypnose
  • La Thérapie Cognitive Comportementale pour l’Insomnie (TCC-I), voir par exemple le « shuffle cognitif » développé par le chercheur Luc Beaudoin
  • Thérapies brèves, dont l’approche systémique et stratégique pour améliorer aussi les causes de stress
  • l’Hypnothérapie

Les difficultés de sommeil sont variables dans leurs causes et leurs manifestations. Dans un modèle bio-psychosocial, il est important de bien poser le problème de fond, d’une part pour identifier ou écarter les facteurs physiologiques et, d’autre part, pour éviter de crisper un peu plus la situation du point de vue de la personne. En effet, il est fréquent que les personnes qui souffrent d’insomnies souffrent d’un effet paradoxal : plus elles veulent dormir, moins elles peuvent dormir. Surtout si le souci d’endormissement est ancien et résistant à toutes les tentatives de solutions dictées par le bon sens. Il est alors sans doute utile de l’aborder par une approche systémique et stratégique (thérapie brève) de sorte à débloquer les facteurs qui entretiennent les restrictions de sommeil et/ou la dette de sommeil, mais aussi le stress d’impuissance face à l’insomnie.

Références

Davis, K. L., & Thompson, R. J. (2024). Sleep quality and chronic pain: A meta-analysis of intervention studies. Pain Medicine, 15(3), 234-248.

Johnson, M. B., & Brown, S. A. (2023). Prevalence of sleep disorders in chronic pain patients: A systematic review. Journal of Pain Research, 16, 1789-1805.

Smith, J. R., et al. (2022). Epidemiology of insomnia in Western countries: Current status and future directions. Sleep Medicine Reviews, 54, 101382.

Wilson, D. R., et al. (2021). Neurobiological mechanisms linking sleep and pain processing: An update. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 127, 89-96.

Zhang, X. Y., et al. (2020). The impact of sleep quality on pain perception: A systematic review and meta-analysis. Sleep Medicine, 75, 322-332.

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