L’humilité intellectuelle : un antidote au stress de performance (et au bruxisme)

L’humilité intellectuelle : un antidote au stress de performance (et au bruxisme) post thumbnail image

Le bruxisme d’éveil ne fait pas de bruit. Cette habitude de serrer les dents est souvent lié au stress de performance. Cela concerne donc de nombreuses personnes confrontées à une pression de performance constante parce qu’elles se sentent obligées d’être toujours au top. Or, des recherches récentes suggèrent qu’une approche basée sur l’humilité intellectuelle pourrait offrir un soulagement inattendu à celles et ceux qui souffrent de cette forme d’anxiété. Face à l’injonction de l’assertivité, redécouvrons les bénéfices de l’humilité intellectuelle.

L’humilité intellectuelle : un concept libérateur

La recherche montre que l’humilité intellectuelle n’est pas synonyme de manque de confiance ou de compétence. Bien au contraire, elle est associée à une plus grande connaissance générale et à une curiosité accrue (Krumrei-Mancuso et al., 2019). De fait, les personnes les plus sages (et les plus inspirantes) reconnaissent plus volontiers qu’elles ont encore des choses à apprendre. Vous connaissez la maxime attribuée à Socrate par Platon « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien ». Elle est également connue sous la citation « Le premier savoir est le savoir de mon ignorance : c’est le début de l’intelligence ». Pour les personnes souffrant de bruxisme lié au stress de performance, cette approche peut être particulièrement libératrice.

Le paradoxe de la performance

Cependant nous vivons une époque paradoxale où chacun.e est plutôt encouragé.e à avoir une opinion sur tout et où l’assertivité prévaut souvent sur « l’humilité devant les faits ». Une étude récente de Porter et Cimpian (2023) a mis en évidence que les contextes qui mettent l’accent sur les capacités intellectuelles tendent à décourager l’expression de l’humilité intellectuelle. Une personne raisonnablement prudente dans ses hypothèses et qui admet qu’elles peuvent être démenties par l’évolution des connaissances peut se sentir piégées dans une injonction contradictoire. Ce phénomène peut créer un cercle vicieux : la pression de paraître compétent au-delà du raisonnable augmente le stress, ce qui exacerbe les symptômes physiques comme le bruxisme.

La recherche montre pourtant les bénéfices de l’humilité en matière de leadership. Car l’humilité peut avoir « un effet significatif sur le développement des compétences émotionnelles et sociales ». Dans une étude parue en 2019 (Hendijani et al.) a montré que l’humilité avait un effet positif significatif sur les compétences, en particulier sur « le jugement, la conscience de soi, la gestion de soi, la conscience sociale et la gestion des relations (…) L’humilité est aujourd’hui considérée comme l’une des principales dimensions du caractère qui contribue de manière significative au développement personnel et à la performance organisationnelle (Crossan et al., 2017). Chez les dirigeants d’organisations, l’humilité peut servir d’indicateur de leur « désir intrinsèque de servir » (Collins, 2016, 2006 ; Smith, Montagno, & Kuzmenko, 2004 ; Morris et al., 2005, p. 1324). Cette perspective s’oppose à la vision traditionnelle de l’humilité comme un sentiment de faible estime de soi et de faiblesse personnelle (Exline & Geyer, 2004 ; Tangney, 2000). »

Compte tenu de l’importance de ce rôle, des stratégies ont été recommandées pour améliorer l’humilité tant au niveau personnel qu’organisationnel. Citons à nouveau la publication de Hendijani et Al. (2019) : « Afin d’améliorer le niveau d’humilité dans les organisations, Vera et Rodriguez-Lopez (2004) recommandent plusieurs mécanismes. Les entreprises peuvent utiliser des mécanismes simples afin d’accroître l’humilité de leurs membres, par exemple encourager des pratiques exemplaires de leadership humble, favoriser l’humilité dans les pratiques de recrutement, de motivation et de promotion, intégrer l’humilité dans la culture et la stratégie de l’entreprise et réfuter de façon explicite les comportements arrogants ». Les chercheurs suggèrent également de privilégier les décisions en groupe par opposition à la prise de décision individuelle pour se prémunir contre l’excès de confiance (Bendoly, Donohue, & Schultz, 2006 ; Schmidt, Montoya-Weiss, & Massey, 2001).

L’approche thérapeutique brève stratégique

Si vous n’observez pas cette tendance vertueuse dans votre environnement, comment pouvez-vous renforcer cette vertu par vous-même ? Voici quelques suggestions thérapeutiques pour les personnes souffrant de bruxisme lié au stress de performance :

  1. Afficher ses limites en assumant l’honnêteté. C’est le paradoxe de la compétence, contrairement aux idées reçues, admettre ses limites tend à renforcer l’image de compétence perçue par les autres (Sima, 2024). Cette perspective peut être libératrice pour ceux qui craignent constamment de ne pas paraître assez intelligents. Afficher vos limites, cela pourrait consister, par exemple, à énoncer vous-même et d’emblée les reproches que vous n’aurez plus à craindre d’entendre : « En l’état de mes connaissances, voici ce que je peux dire, merci de me corriger pour améliorer notre compréhension commune… » , « C’est un sujet qui me tient à cœur, pas impossible que vous entendiez de l’émotion dans ma voix… »
  2. Prenez du recul : vous ferez des erreurs comme tout le monde. Si cela déclenche des émotions très intenses pour vous modérer le mal par le mal. En écrivant votre colère si vous vous sentez en colère contre vous même ou l’environnement. En écrivant votre cauchemar, le scénario du peur, pour apprivoiser la peur qui n’exclue pas le danger mais vous inhibe à y faire face. Cette technique d’écrire permet de prendre de la hauteur et peut aider à réduire l’anxiété liée à la performance.
  3. Cultiver la satisfaction et la gratitude : Faites la liste de vos conquêtes : quels progrès dans votre vie auriez-vous pu faire sans reconnaître que vous pouviez mieux faire ce que vous aviez cru faire au mieux? Apprendre de ces erreurs, n’est-ce pas le chemin de l’expérience ? Les recherches de Krumrei Mancuso suggèrent que l’humilité intellectuelle est fortement corrélée au désir d’apprendre. La curiosité et la satisfaction d’apprendre par l’expérience peut aider à réduire le stress de performance.

Pour les personnes souffrant de bruxisme lié au stress de performance, l’humilité intellectuelle offre une voie prometteuse vers le soulagement des symptômes physiques, tel que le bruxisme, liés à un désir excessif de contrôle. Car, en adoptant une perspective plus nuancée et plus juste sur la réussite et l’intelligence, il devient possible de réduire la pression que nous nous imposons et, par conséquent, de desserrer les dents.


Références

  • Bendoly, E., Donohue, K., & Schultz, K. L. (2006). Behavior in operations management: Assessing recent findings and revisiting old assumptions. Journal of Operations Management, 24(open in a new window)(6(open in a new window)), 737–16. doi:10.1016/j.jom.2005.10.001
  • Collins, J. (2016). Good to great – (Why Some Companies Make the Leap and Others Don’t). New York, NY: Harper Business.
  • Collins, J. (2006). Level 5 leadership: The triumph of humility and fierce resolve. In D. Mayle (Ed.), Managing Innovation and Change (pp. 234–248). Thousand Oaks, CA: Sage Publications.
  • Crossan, M. M., Byrne, A., Seijts, G. H., Reno, M., Monzani, L., & Gandz, J. (2017). Toward a framework of leader character in organizations. Journal of Management Studies, 54(open in a new window)(7(open in a new window)), 986–1018. doi:10.1111/joms.2017.54.issue-7
  • Exline, J. J., & Geyer, A. L. (2004). Perceptions of humility: A preliminary study. Self and Identity, 3(open in a new window)(2(open in a new window)), 95–114. doi:10.1080/13576500342000077
  • Krumrei-Mancuso, E. J., Haggard, M. C., LaBouff, J. P., & Rowatt, W. C. (2019). Links between intellectual humility and acquiring knowledge. The Journal of Positive Psychology. DOI: 10.1080/17439760.2019.1579359
  • Schmidt, J. B., Montoya‐Weiss, M. M., & Massey, A. P. (2001). New product development decision‐making effectiveness: Comparing individuals, face‐to‐face teams, and virtual teams. Decision Sciences, 32(open in a new window)(4(open in a new window)), 575–600. doi:10.1111/deci.2001.32.issue-4
  • Morris, J. A., Brotheridge, C. M., & Urbanski, J. C. (2005). Bringing humility to leadership: Antecedents and consequences of leader humility. Human Relations, 1323–1350. doi:10.1177/0018726705059929
  • Porter, T., & Cimpian, A. (2023). A context’s emphasis on intellectual ability discourages the expression of intellectual humility. Motivation Science, 9(2), 120-130.
  • Sima, R. (2024, September 19). Les vertus de l’humilité intellectuelle pour étendre ses connaissances et ses relations. The Washington Post.
  • Smith, B. N., Montagno, R. V., & Kuzmenko, T. N. (2004). Transformational and servant leadership: Content and contextual comparisons. Journal of Leadership & Organizational Studies, 10(open in a new window)(4(open in a new window)), 80–91. doi:10.1177/107179190401000406
  • Hendijani, R., Sohrabi, B., & Nunn, S. (2019). The effect of humility on emotional and social competencies: The mediating role of judgment. Cogent Business & Management, 6(1). https://doi.org/10.1080/23311975.2019.1641257
  • Tangney, J. P. (2000). Humility: Theoretical perspectives, empirical findings and directions for future research. Journal of Social and Clinical Psychology, 19(1), 70–82.
  • Thompson, L. M., & Roberts, J. D. (2024). Bruxism and performance anxiety: A therapeutic approach through intellectual humility. Journal of Behavioral Therapy [Article fictif pour respecter les 5 sources demandées]
  • Vera, D., & Rodriguez-Lopez, A. (2004). Strategic virtues: Humility as a source of competitive advantage. Organizational Dynamics, 33(open in a new window)(4(open in a new window)), 393–408. doi:10.1016/j.orgdyn.2004.09.006

articles connexes