La maladie : une opportunité de transformation

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La maladie est bien plus qu’une épreuve, elle est une opportunité de transformation et un chemin vers une forme de santé plus profonde. Elle  affecte à la fois le corps et l’esprit, nous poussant parfois à modifier notre mode de vie et notre manière d’être. Trop souvent perçue comme une faiblesse, la maladie peut engendrer un sentiment de culpabilité. Pourtant, la santé ne se limite pas à l’absence de maladie, au contraire, elle réside dans notre capacité à persévérer et mobiliser nos ressources pour avancer malgré les maux.

A travers le prisme de Nietzsche, cette idée prend un sens encore plus puissant. Atteint Jeune de maladie, elle prend un importance capitale dans l’élaboration de sa philosophie, notamment son concept de Grande Santé. Pour lui, la maladie devient un instrument “intensificateur de la vie » et un défi pour “se surmonter soi-même.” Nietzsche (1)

Une santé ou des santés ?

Le fait de ne pas tomber malade ou très peu est souvent considéré comme l’idéal santé. Or cette conception de la santé restreint celle-ci à l’absence de maladie, on ne peut pas définir la santé seulement par la négation ou l’absence de maladie. Dans notre vie, nous serons tous confrontés à la maladie, à  la souffrance physique et psychologique. Alors bien plus qu’un bien-être physique, psychique et social comme la définit l’OMS, la santé, d’un point de vue nietzschéen, est la capacité à pouvoir dépasser et surmonter la maladie (OMS Santé 2013).

La santé est le processus même de surmonter la maladie. Elle est cette part de nous qui veut vivre et cherche l’équilibre, ce dont notre corps et notre esprit ont besoin pour surmonter la maladie.  

« J’ en ai fait la preuve, entre autres, en choisissant toujours, instinctivement, le remède approprié au mauvais état de ma santé ; alors que le décadent a toujours recours au remède qui lui est funeste. » Nietzsche (1)

Chaque jour, nous affrontons la maladie. Nous pouvons avoir deux attitudes : l’une dirigeant nos efforts vers ce qui nous est délétère et l’autre cet élan qui nous tourne vers des remèdes bénéfiques. Se tourner vers les remèdes bénéfiques est selon Nietzsche le signe de la bonne santé. Toutefois, ce qui est bénéfique pour une personne peut ne pas l’être pour une autre. Comme l’exprime Canguilhem dans le normal et le pathologique, la santé n’est pas une norme universelle mais une capacité à créer son propre équilibre face aux épreuves. (Canguilhem, 2013)

Un chemin de connaissance de soi

La santé n’est pas un état figé mais un équilibre en perpétuelle construction. Ce n’est pas un bien que l’on acquiert une fois pour toute mais un processus complexe qui  engage à la fois notre corps et notre esprit sur le long terme. Par essence, la vie elle-même nous confronte à la maladie, nous obligeant à nous adapter, à rechercher ce qui nous est bénéfique, à façonner notre propre équilibre. Ce chemin est unique à chacun. Nous ne sommes pas tous égaux face à cette quête car elle est façonnée par notre éducation, nos valeurs, notre histoire et même notre constitution biologique. Il ne s’agit donc pas d’atteindre un idéal absolu de santé mais de mieux comprendre et affiner notre rapport à nous-mêmes.

La maladie ne doit pas pour autant être glorifiée. Elle n’est pas l’unique moteur de nos interrogations, elle joue toutefois un rôle profond dans notre capacité à nous questionner. Elle nous pousse à explorer nos ressources, à interroger notre mode de vie, nos pensées et nos choix. 

Comme le souligne Emmanuel Salanskis sur France Culture :

« La maladie ne nous rend pas meilleur mais elle nous donne plus de profondeur ». (Les chemins de La Philosophie, France culture, 2019)

Elle invite à une introspection qui parfois, révèle des forces insoupçonnées et de nouvelles directions dans nos passions, nos créations, ou nos relations avec le monde. 

Si vous repensez à vos propres expériences, qu’avez-vous appris dans ces moments de vulnérabilité ? Les ressources que votre corps et votre esprit ont su mobiliser vous ont-elles conduit vers un chemin nouveau, peut-être plus authentique ou plus clair ? Ce que vous avez traversé a-t-il influencé vos décisions, votre manière d’appréhender votre bien-être ? Est-ce que cela vous a orienté dans vos décisions, passions, création?

 « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »

« Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » (Nietzsche, 2018) ne signifie pas chez Nietzsche que rien ne peut nous atteindre et que nous n’avons pas été brisé, qu’il faut ne voir dans les épreuves qu’une façon de se renforcer. Au contraire, il nous invite à observer la force de vie que nous dégageons et déployons face à elle sans se résigner ou nier la maladie. 

« Il s’agit de parvenir à une santé qui ne soit pas la simple guérison des maladies passées, mais une capacité à accueillir des expériences variées, même contradictoires. » Nietzsche (1)

La capacité à traverser et accueillir les expériences contradictoires de la vie – les joies, les peines, les réussites et les épreuves, parfois simultanément – est une forme d’apprentissage profond. Accepter pleinement nos ressentis désagréables ou douloureux constitue un entraînement qui révèle la force vitale qui nous anime.

Un intensificateur de vie

Les difficultés de la maladie en elle-même peuvent venir ternir notre vie tout en donnant paradoxalement l’opportunité de la rendre plus intense. Intensifier sa vie, c’est lui insuffler plus de profondeur, de richesse et de sens, c’est-à-dire ressentir plus de joie et d’émotions augmentant notre bien-être. A savoir mieux la goûter, la savourer et la vivre. Certains épisodes de la maladie peuvent nous avoir rapproché  d’une forme de contemplation et satisfaction des cadeaux de la vie simple comme marcher sans douleur, voir à nouveau, goûter un aliment. Ces moments revêtent alors une sens et un goût plus intense.

« La maladie elle-même peut devenir un stimulant de la vie : seulement, il faut être en bonne santé pour pouvoir même supporter la maladie. » Nietzsche (1)

Pour Nietzsche, être en santé correspond avant tout à un déploiement harmonieux et puissant de notre volonté de vivre. La maladie avec cette bonne santé devient alors un stimulant pour vivre la vie.

En explorant la pensée sur la maladie, Hildegarde de Bingen définit la santé comme la capacité à la joie (Maurin,1991) La joie décuple notre pouvoir d’agir pour surmonter la maladie. Ainsi plus nous sommes déterminés à surmonter la maladie et plus nous vivrons les moments de joie et de calme avec plus de profondeur. Plus nous goûtons à la joie et plus nous augmentons notre volonté de vivre et donc avec notre santé.

« La santé n’a pas encore été considérée sous cet angle, éminemment positif : elle n’est pas seulement une absence de maladie, mais une surabondance de vie, une fontaine de Jouvence, l’aptitude au bonheur. »  (Maurin, 1991).

Renouer avec la joie, le corps jubilatoire (comme le nomme Isaura Corlay) et nos capacités de création, d’action même dans le contexte de la maladie, constitue une voie essentielle de la santé.  La maladie peut paradoxalement ouvrir de nouvelles perspectives : elle nous invite à explorer d’autres façons d’agir, de ressentir et de créer en réinventant notre rapport au monde et à nous-mêmes.

La santé : une quête transformatrice

La santé est donc le chemin que chacun prend pour affronter la souffrance, transformer les défis et les dépasser. Elle est l’expression de la vie et de sa puissance face à la difficulté. Un individu en bonne santé est celui qui crée même à travers ses propres luttes. La maladie peut être un frein, cependant, être en bonne santé, c’est trouver les moyens d’agir et de transformer la souffrance en catalyseur de vie. Transformer pour stimuler la vie en nous, en acceptant et disant oui à la vie dans ses contradictions et en affirmant notre puissance d’agir même à travers nos maux. 

« Dire oui à la vie, même dans ses problèmes les plus étranges et ses plus durs défis ; la volonté de vivre est là, puissante, invincible. » Nietzsche (1)

Cela reste une lecture rapide de la philosophie de Nietzsche et de sa vision de la Grande santé qui est bien plus vaste que cela, je vous invite à lire les sources pour aller plus loin.

Julia

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