Nutrition, consommations et bruxisme, quand il faut choisir…

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Le bruxisme du sommeil touche environ 8 à 10% des adultes et 15 à 40% des enfants, tandis que le bruxisme d’éveil affecte entre 22,1% et 31% de la population générale (Manfredini et al., 2013). Le bruxisme est défini comme une activité répétitive des muscles masticatoires caractérisée par le serrement ou le grincement non volontaire des dents, et/ou par des mouvements de calage ou la poussée de la mandibule (Lobbezoo et al., 2013). Le bruxisme est généralement corrélé au stress, notamment face aux difficultés de vie. Cependant il est utile de prendre en compte d’autres facteurs, eux-mêmes parfois corrélés au stress et qui jouent un rôle biologique. En s’appuyant sur la littérature scientifique, cet article examine les liens entre le bruxisme et l’alimentation au sens large – incluant boissons, médicaments et substances récréatives

Carences nutritionnelles et bruxisme

Des chercheurs ont établi une corrélation entre certaines carences et le bruxisme, avec un niveau de preuve suffisant pour inviter à vérifier cette hypothèse pour chacun.e. Rappelons que seule une analyse préalable de la situation peut conduire à une supplémentation pertinente.

Ainsi, une étude cas-témoin menée par Alkhatatbeh et al. (2021) a montré que le bruxisme du sommeil pouvait être associé à une carence en vitamine D (rapport de cotes = 6,66, p = 0,02) et à une faible consommation de calcium alimentaire (rapport de cotes = 5,94, p = 0,01). La vitamine D joue un rôle dans l’homéostasie du calcium. Une carence peut entraîner une hypocalcémie avec des effets directs sur la fonction neuromusculaire pouvant provoquer des spasmes et des crampes musculaires.

Autre piste : une carence en magnésium. Il joue un rôle essentiel dans la relaxation musculaire, et son déficit pourrait contribuer à l’anxiété et au stress, deux des principaux facteurs de risque du bruxisme. Dans une étude clinique, Ploceniak (1990) a observé que le bruxisme et les tics faciaux sont souvent des formes atypiques de tétanie, et qu’un traitement prolongé par administration de magnésium peut aider à leur disparition.

Plus récemment, une étude conduite en 2021 auprès de 143 étudiants japonais a montré que le bruxisme du sommeil tendait à être associé à une faible consommation de fibres alimentaires (Toyama et al., 2023). Les auteurs font l’hypothèse qu’augmenter la consommation de fibres pourrait aider à diminuer le bruxisme, ce qui est aussi une recommandation de santé. En effet, un apport élevé en fibres alimentaires est associé à un risque moindre de multiples maladies chroniques, notamment de mortalité par maladies cardiovasculaires, de cancer du pancréas et de diverticulose (Veronese et al., 2025).

Dans une toute récente publication, faisant le point sur l’hygiène de vie et le bruxisme (Więckiewicz et al., 2025), les auteurs soulignent qu »à la lumière des dernières recherches (…) le régime alimentaire des patients souffrant de bruxisme du sommeil devrait être pro-sérotoninergique (…) en raison du rôle avéré de la neurotransmission, en particulier de celle liée à la voie de la sérotonine. »

Boissons stimulantes, alcool et bruxisme

La caféine, stimulant présent dans le café, le thé et certaines boissons énergisantes, est souvent associée à une augmentation de l’activité musculaire, y compris celle des muscles de la mâchoire impliqués dans le bruxisme (Zdanowicz et al., 2022). La caféine agit sur le système nerveux central, augmentant la vigilance et la tension musculaire, ce qui peut exacerber les contractions involontaires des muscles masticatoires, particulièrement pendant le sommeil.

L’alcool a également été associé au bruxisme dans plusieurs études. Une revue systématique a trouvé une association positive entre le bruxisme du sommeil et la consommation d’alcool. L’alcool peut perturber les cycles de sommeil et altérer l’activité musculaire, contribuant ainsi aux épisodes de bruxisme nocturne.

Une étude menée auprès de 60 femmes en bonne santé a établi que l’électromyographie nocturne des muscles masséters était substantiellement associée à la quantité d’alcool consommée. Bien que le bruxisme n’ait pas été évalué directement dans cette étude, les résultats suggèrent une association positive entre la consommation d’alcool et le bruxisme du sommeil.

Utilisées pour tenir bon face au stress de performance, les boissons énergisantes peuvent également provoquer du bruxisme. Ces boissons contiennent généralement de la caféine, du sucre et de la taurine, un stimulant synthétique, qui combinés peuvent affecter l’activité neuromusculaire de la mâchoire.

Soulignons également une revue systématique examinant l’impact d’une consommation élevée de sucre sur le microbiote oral (Angarita-Díaz et al, 2022). Les auteurs rapportent une diminution significative de la diversité microbienne du microbiome oral dans des conditions de consommation élevée de sucre. Cette altération de l’équilibre du microbiote oral pourrait potentiellement contribuer au développement ou à l’exacerbation du bruxisme (Collard et al. 2025). Dans une toute récente revue de littérature de Morris et al. (2025) examinent le rôle potentiel du microbiote oral dans la pathophysiologie et le traitement du bruxisme.

Tabac et bruxisme

La consommation de tabac a été identifiée comme un facteur de risque significatif pour le bruxisme. Les fumeurs actifs auraient au moins deux fois plus de risques de développer un bruxisme que les non-fumeurs. Cette association pourrait s’expliquer par le fait que la nicotine stimule la libération de dopamine dans le système nerveux central, ce qui peut affecter l’activité des muscles masticatoires.

Une étude nationale finlandaise sur des jumeaux (Rintakoski et al, 2010) établit une association claire entre l’utilisation du tabac (cigarette ou sans fumée) et la fréquence du bruxisme rapporté. Les auteurs soulignent que la relation dose-réponse renforce l’hypothèse d’un lien entre la prise de nicotine.

Une étude utilisant la polysomnographie (Kanclerska et al, 2022) pour évaluer les effets du tabagisme sur l’intensité du bruxisme du sommeil a confirmé que le tabagisme avait des effets significatifs sur le bruxisme du sommeil. Les fumeurs présentaient une intensité de bruxisme accrue par rapport aux non-fumeurs, particulièrement pour le phénotype mixte de bruxisme et pendant le stade de sommeil N1. Ils montraient également un nombre plus élevé d’épisodes de bruxisme avec éveil, indiquant une fragmentation accrue du sommeil. Notons que les troubles du sommeil sont fréquemment associés au bruxisme.

L’effet du tabagisme a également été démontré dans le bruxisme d’éveil. L’étude récente de Vázquez-Casas et al, (2025) a montré une corrélation statistiquement significative entre la fréquence des comportements de bruxisme d’éveil et le tabagisme, bien que d’autres facteurs comme le stress psychologique jouent également un rôle important dans l’une et l’autre des problématiques.

Cannabis, cocaïne et autres substances récréatives

Le développement de la consommation de drogues récréatives pourrait aussi devenir un sujet pour la santé bucco dentaire (1).

La cocaïne et le crack, comme le cannabis provoquent une sécheresse buccale. Une étude a révélé que 69,6% des utilisateurs ont ressenti une sécheresse buccale presque immédiatement après la consommation de cannabis. Or c’est un facteur de risque connu pour les problèmes dentaires, et peut indirectement contribuer au bruxisme en modifiant l’environnement oral, le microbiote.

Par ailleurs, les données de recherche indiquent que la consommation de cannabis à moyen et long terme peut être un facteur de risque pour la maladie parodontale, indépendamment de l’utilisation du tabac. Les symptômes parodontaux les plus associés à la marijuana comprennent une augmentation de la profondeur des poches et une perte de tissu qui attache la dent à l’os, ce qui peut exacerber les effets négatifs du bruxisme sur les structures dentaires.

La cocaïne peut augmenter le grincement des dents (bruxisme) et accélérer l’usure dentaire. Lorsqu’elle est mélangée à la salive, la cocaïne devient extrêmement acide et érode l’émail des dents, exposant la dentine sous-jacente aux bactéries responsables des caries.

L’impact de la méthamphétamine sur le bruxisme serait dû à l’augmentation de l’activité neuromusculaire de la mâchoire causée par une augmentation de la neurotransmission noradrénergique dans le système nerveux central. Dans une étude portant sur 100 individus consommant de la méthamphétamine, 68% ont signalé un serrement de la mâchoire et 47% ont signalé des douleurs articulaires de la mâchoire.

Une revue systématique a noté que l’abus de méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA ou ecstasy) associé au bruxisme du sommeil restait sans preuves suffisantes. Cependant, des rapports de cas indiquent une association entre la consommation de cette substance et l’augmentation de l’activité des muscles masticatoires.

En effet, la MDMA (3,4-méthylènedioxyméthamphétamine) en induisant la libération de sérotonine, pourrait entraîner une réduction de l’activité dopaminergique au niveau du cortex préfrontal. Or la carence en dopamine contribue au développement du bruxisme. De plus, la libération de sérotonine et de norépinéphrine induite par la MDMA pourrait surstimiler les neurones moteurs du trijumeau qui contrôlent la position et les mouvements de la mandibule et les réflexes des muscles masséters.

L’utilisation de pipérazines, notamment la combinaison de 1-(3-trifluorométhylphényl)pipérazine (TFMPP) et de 1-benzylpipérazine (BZP), souvent utilisée comme drogue récréative en raison de ses propriétés psychoactives, a été associée au bruxisme d’éveil dans certains cas cliniques.

Soulignons que toutes ces substances peuvent affecter le système nerveux central et modifier l’activité musculaire.

Conclusion

La littérature scientifique établit plusieurs liens entre l’alimentation au sens large et le bruxisme. Ces données soulignent l’importance d’une approche nutritionnelle et comportementale dans la gestion du bruxisme, en complément des propositions traditionnelles comme les gouttières occlusales et l’accompagnement thérapeutique à la gestion des parafonctions.

Toutefois, des analyses personnalisées sont nécessaires pour confirmer ces associations. A l’ère de la médecine de précision, il appartient à chaque praticien de déterminer la pertinence d’interventions nutritionnelles et microbiologiques personnalisées pour soulager telle ou telle personnes qui souffre de bruxisme. Une approche systémique, centrée sur la personne pourrait aussi commencer par une conversation à propos du système relationnel qui sous-tend les comportements dysfonctionnels et délétères.

(1) Impact of Drug Use on Oral Health: Drugs That Cause Dental Problems

Bibliographie

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Angarita-Díaz, M. P., Forero-Escobar, D., Castellanos, J. E., & Rincón, C. M. (2022). Does high sugar intake really alter the oral microbiota?: A systematic review. Clinical and Experimental Dental Research, 8(4), 927-936. https://doi.org/10.1002/cre2.640

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